salam alaikoum
voila un extrait du prochain livre de Abd al Malik "le livre rouge de rap"
vous en saurez plus sur la veritable culture du Hip Hop :
« I met that girl when I was 10 years old… » I used to love H.E.R- COMMON
…J’ai entendu DJ Dee Nasty dire que pour lui tout a commencé en 1982. Lorqu’Afrika Bambaataa, Fab Five Freddy et les autres membres de la Zulu Nation débarquèrent à Paris.
Pour moi ce fut 6 ou 7 ans plus tard-en l’écoutant lui (Dee Nasty) et Lionel D sur radio Nova- que débuta mon histoire d’amour et bientôt mon combat pour l’exprimer à la France entière. Chaque rappeur a sa petite histoire, sa rencontre avec le hip-hop, c’est ce moment sa source véritable, c’est elle qui alimente sa vie de M.C. Tout ce qu’il dira ensuite dans ses textes et ses interviews vient de là, de cette rencontre première. « Le début détermine la fin » a dit ce sage égyptien, et quand la flamme s’éteint, on voit soudain le rappeur devenir haineux, se justifier, s’expliquer sur tous ses faits et gestes pour finir par dire que ce n’est ni le Hip-hop ni le Rap qui lui « donne à manger »...
…Ma flamme est dans le Rap entre le chaos et l’harmonie (Big up à Ali!), ce juste milieu que j’ai toujours cherché même maladroitement au début ; quand j’étais à la fois voleur, tireur, dealer et passionné de savoir, B.Boy convaincu et musulman sans profondeur. Aussi schizophrénique qu’ai pu être mon attitude cela m’a préservé de la plus terrible des tares : L’excès. L’excès dans le ressentiment et dans la suffisance, ces deux opposés qui menacent tout rappeur…
…Le chaos dans lequel j’ai longtemps vécu n’était que le reflet intérieur d’une morne réalité peinte des couleurs de l’immigration, du racisme, des cités H.L.M, du divorce, de l’alcool et de la drogue et d’une phénoménale indigence intellectuelle, culturelle et spirituelle. Ma révolte fut donc légitime mais serait resté à jamais sombre s’il n’y avait eu la sincérité de cœur, l’amour inconditionné de la rue, du Hip-hop sur le chemin d’une authentique quête spirituelle. Pour prévenir tout glissement, je devins hardcore. Rappeur hardcore à la Big Daddy Kane, Rakim ou Kool G Rap des débuts…
…Le Rap en tant que musique cherche l’harmonie cela me fit prendre conscience de la nécessité du respect de l’ordre des choses ; comme un KRS One vidant de scène les suckers M.C du groupe P.M Dawn.
Rappeur devrait se définir comme le fait d’être un artiste hardcore, d’être celui ou celle qui jette ses tripes sur la table dans chacun de ses textes et dans la rage de son flow. Mais n’oublions pas le danger de l’excès, c’est un travail d’équilibriste car il n’est pas d’art sans refus ni consentement. Le rappeur ne jette pas ses tripes sur n’importe quelle table mais sur un étal où les gens payent pour voir.
Dans ce sens le Rap n’est pas menacé par l’industrie mais en parti nourri, en tout cas porté par elle. Le contraire serait simple : Le rappeur vrai invendable et le faux commercial. La réalité est plus complexe, plus nuancée. Le rappeur doit livrer perpétuellement une double lutte contre lui-même, en tant qu’individu et en tant qu’artiste. Dans un vacarme égocentré veiller sur ses principes, ses valeurs humaines, et exceller dans son art, son flow, sa plume, sa créativité. Et rendre le tout efficace, digeste, d’une manière ou d’une autre, pour l’industrie. Travail d’équilibriste disions nous tout à l’heure ?!...Skyrock ou les majors ne sont pas des « ennemis » bien au contraire ce sont même les « amis » de notre culture, tant qu’ils sont compris comme moyens et non comme finalités.
Cette mis en garde sur l’industrie a de nombreuses raisons mais il ne faut en retenir que la plus haute : Le respect. Le respect de soi et des autres ; faire du Rap c’est intégrer une culture, une culture qui a des valeurs. Ne pas tenir compte de cela, pour le rappeur, c’est tendre la main au mensonge et/ou rapper pour ne rien dire…
…Aujourd’hui les rappeurs se plaignent, à raison, de la non considération de notre culture- difficultés monstre à monter de simples tournées, quasi non visibilité dans le paysage audio-visuel etc…-et de sa récupération systématique- aussi bien au niveau artistique (danse, musique, mode, art graphique, cinéma, ou littérature…), que politique (utilisation systématique de diverses disciplines Hip-hop, dans des projets sociaux ou de ville) ou économiques (« emprunt de plus en plus important des techniques Hip-hop, à l’exemple du street-marketing…). Tout ceci sur fond de paternalisme néo-colonial ; malgré eux, malgré nous, à cause d’eux, à cause de nous…On ne refait pas l’histoire. Mais cela a pour conséquence une désorganisation toujours plus grande d’un réseau Hip-hop déjà moribond avant même d’avoir été réellement mis sur pieds…
…Si j’étais peintre (vous remarquerez que c’est la deuxième fois que je dégaine la métaphore picturale !) un pinceau et très peu de couleurs me suffiraient à dresser cette toile : Un banquet gargantuesque, des convives déjà repus se gavant pourtant dans le désordre d’une table mal mise, sous laquelle nous nous disputons comme de « petits diables » pour les moindres petits restes tombant au hasard de ce repas sensé avoir pourtant été fait par et pour nous autres hip-hoppeurs !!!
Tout cela parce que ces dernières années nous n’avons pas hésité à nous vendre en formatant- ou en laissant formater, ce qui revient au même- à outrance notre musique, en reniant le Hip-hop (autant dans ses valeurs que dans son esthétique) pour une simple poignet d’euros !...
…Au sein du Rap, le problème du téléchargement et des copies illégales ne sont d’abord que les conséquences d’une amnésie collective d’où découle un manque de créativité. Le rappeur a oublié qu’avant tout il faisait de la musique, avec un devoir d’excellence dans le fond et la forme selon les critères Hip-hop et artistique en général. Et plus grave encore le rappeur a oublié sa filiation avec les anciens, les pères fondateurs que sont en France des gens comme Dee Nasty, Lionel D, Destroy Man, Johnny Go, les New Génération MC’s, Timide et Sans Complexe, EJM, les Little etc…et tous ceux qui à des niveaux, et dans des styles différents, ont su amener le Hip-hop au grand publique : MC Solaar, Assassin, NTM, IAM, les différents membres du Ministère Amer, Cut Killer et le Double H, Jimmy Jay, Olivier Cachin etc…
Et puis le rappeur a oublié les héros américains que sont RUN-DMC, Public Enemy, le Juice Crew, BDP, Eric B& Rakim, LL Cool J, les Beastie Boys, les NWA, Too Short, le Native Tongue, EPMD et autre Kool Herc, Grand Master Flash, Magic Mike, Red Alert, Kid Capri, Funkmasterflex, Mister Cee, Scratch etc…
Un arbre qui ne pousse pas sur ses racines s’ampute de tout avenir. Et on ne se prostitue pas impunément, à s’avilir soi-même on finit par être avili par les autres. L’amnésie et l’inconsidération sont à la fois nos punitions et les causes de notre crise (illustrée par notre désunion et notre pauvreté créatrice). Et à dire vrai, tant bien que mal, le Rap s’est constitué ces dernières années presque totalement en dehors du Hip-hop. Les rappeurs à succès bien qu’en crew ou en groupe se sont retrouvés, à un moment ou à un autre, seuls. Seul face au succès. Médiatisés pour eux seuls par la radio, la presse et la télé afin de leurs donner une image simplifiée, plus commode et quelquefois même édulcorée pour mieux les distinguer du Hip-hop ; en les écartant d’une culture (à laquelle ils sont normalement organiquement indissociable !) qui leur aurait donné (en plus d’une dimension bêtement économique) une épaisseur politique, sociale, un statut de ciment collectif et donc une envergure hautement subversive. Au lieu de cela on a détourné l’attention des millions de personnes qui se sont intéressées à la culture Hip-hop via IAM, NTM ou le Secteur A en focalisant sur des détails qu’on a faussement qualifié d’importants. A l’exemple de la large médiatisation de sujets tels la rivalité IAM-NTM, les « frasques » de Joey Starr ou les soi-disant méthodes « mafieuses » du Secteur A. Plus un mouvement est pointu plus nécessaire devient la vulgarisation or on a utilisé des individualités du Hip-hop -par ailleurs talentueuses et intelligentes- comme des arbres bien visibles justement pour cacher la foret du Hip-hop…
…Tout rappeur doit comprendre qu’aujourd’hui c’est à ce prix que se paye la célébrité ou plutôt le succès individuel. Le rappeur doit saisir que ce n’est pas lui en tant que M.C, selon les critères Hip-hop, qui est célébré mais un autre avec le même nom que lui. C’est cet autre, ce personnage médiatique qui est missionné (à l’insu même du rappeur dont on exploite la complaisance naturelle) à faire disparaître en lui toute velléité qu’il aurait à « représenter » .
Mais, un mal en entraînant forcément un autre, le rappeur trop longtemps manipulé s’est durci pour créer le nouveau format du faux vrai rappeur. Le rappeur soit disant hardcore (parce que né ou ayant grandi dans un quartier chaud) s’est raidi dans l’idée préconçue qui veut qu’on ne peut être un grand M.C qu’en étant contre le système ou en se là jouant de cité. Format bien confortable pour les rappeurs dénués de talent et de profondeur…
…Etre exclusivement contre la société et/ou parler uniquement de la réalité froide de nos banlieues pouvaient être légitime au départ, quand cela signifiait qu’être un vrai rappeur voulait dire se battre pour le Hip-hop à tout prix sans jamais composer avec le monde de l’argent ; mais cela est devenu faux dès lors que la haine est devenu la posture sensé justifié le statut du rappeur authentique. C’est la raison pour laquelle beaucoup de rappeurs veulent être considérés comme tristes ou mélancolique (voire à la limite de la dépression) et ont mauvaises conscience à ne pas l’être véritablement et veulent en même temps vendre des milliers de disques, être enviés, applaudis et admirés de tous. De nombreux jeunes rappeurs se travestissent en jouant les durs pour cela. Mais à force de tirer sur la corde de la haine, le rappeur finit par se couper du peu de Hip-Hop qu’il a encore en lui. Peut-on vouloir continuer à être considéré comme membre de cette culture tout en se créant hors d’elle ? Je ne crois pas que cela puisse être possible…Ou bien si, mais loin du Hip-Hop le rappeur ne créera que des formes vides, peut-être quelques fois belles mais toujours vides et incapables de rassembler au-delà des couleurs, des religions, des goûts, des styles ce qui est la vocation première du Rap véritable, la mission sincères des authentiques B.Boys et B.Girls…
…Le rappeur peut donc se transformer en menteur professionnel, inscrit à la SACEM. Je suis rappeur moi aussi mais je veux revenir à la vérité. Et je ne me considère pas comme seul sur un nuage mais les deux pieds rivés au sol de cette réalité que nous vivons tous. Le Rap qui ne parlerait qu’à un banc de privilégiés ne m’intéresse pas. Je veux m’adresser au plus grand nombre, embrasser les préoccupations de tous.
Le Rap est un mode d’expression universel, un merveilleux outil pas encore utilisé à sa magnifique mesure. Le Rap comme moyen de communication entre les hommes. Chuck D n’a-t-il pas dis un jour que le Rap était la CNN des ghettos noirs américains.
La communication universelle voici donc mon idéal, mais cela ne peut se faire seul…